Mieux vivre dans la ruralité

Les écrivains du pays ou qui parlent du pays

Le musicologue Louis Laloy de Rahon

Louis Laloy (Gray, 18 février 1874 - Dole, 4 mars 1944) est un musicologue, écrivain et sinologue français. Louis Laloy, fut le maire de  Rahon 1935 à 1940.  

Son attachement à sa province natale a été constant.   Docteur ès lettres (il parlait anglais, allemand, italien, latin, russe, grec et chinois), il devint un éminent musicologue, critique musical, , enseignant à la Sorbonne puis au Conservatoire, secrétaire général de l'Opéra de Paris. Lié à de nombreux artistes et compositeurs importants, il fut le premier biographe de Claude Debussy, écrivit des ouvrages sur ses contemporains Maurice Ravel, Igor Stravinsky, Erik Satie, Paul Dukas… ainsi que sur Jean-Philippe Rameau que l'on redécouvrait alors. . L'un de ses amis, Claude Debussy lui dédia la deuxième « Image » pour piano alors que Laloy lui écrivit « l’Ode à la France ». « Cloches à travers les feuilles » ou intitulées « Cloches dans le feuillage » (mélancolie diffuse) fut composées à Rahon, petit village du Jura.

Dans un autre domaine on lui doit des ouvrages d'érudition sur la musique et la culture chinoises..  

Il était le père de Jean Laloy, diplomate (1912-1994) et membre de l'Institut (Académie des sciences morales et politiques).


Un joli village proche de Pleure vu au travers des paroles et pensées de LOUIS LALOY Louis Laloy a su montrer son attachement aux racines et au patrimoine culturel de notre Bresse jurassienne   (Les informations nous ont été transmises par les descendants de Louis Laloy)      

 

 A l’automne 1905, Louis Laloy se retire quelques jours à Rahon, en compagnie de la partition de La Mer, le chef-d’œuvre de son ami le compositeur Claude Debussy : "Je m'étais enfui jusqu'en ma lointaine campagne, emportant avec moi La Mer, comme un trésor volé peut-être, mais devenu mien par droit d'amour. Touchée par les premiers froids, la forêt flambait de jaune et de roux, un air pénétrant courait sur la prairie inondée, on discernait au loin l'insensible neige blanche sur les plateaux du haut Jura, et partout, depuis les labours gras d'humidité jusqu'aux toits de chaume assombris, une sérénité triste annonçait l'hiver (je dédie cet alexandrin à mon comtois ami Gauthier-Villars [Willy, premier mari de l’écrivain Colette]). C'est là, dans cette nature recueillie, presque mourante, que j'ai mieux compris encore le chef d'œuvre de vie, de lumière et de force que Debussy vient de nous donner".           

Comme son père qui, chaque fois qu'il le pouvait, s'échappait de Paris pour rejoindre Rahon, Louis Laloy est attaché par toutes ses fibres à ses racines, au point même, en plein mois de décembre 1906, d'y effectuer son voyage de noces : il fait -4° dans la maison partiellement chauffée et inchauffable ; cet édifice, qui date de 1733, aujourd'hui monument historique, disposait d'un système de poêles en fonte ou de faïence alsaciens, cerclés de laiton, dont le ronflement régulier rompait la densité du silence.        

     Le 17 octobre 1921, Louis Laloy, qui a 47 ans, note : "C'est bien volontiers que je me retirerais du monde pour finir mes jours à Rahon avec mes livres si j'en avais les moyens". Trois ans plus tard, il déclare : "Je ne suis heureux et libre qu'à Rahon".         

 A la fin octobre 1927, il écrit à sa mère que Rahon n'est pas un village ordinaire, car il diffuse un charme qui n'existe nulle part ailleurs ; évoquant des habitants du pays qui aiment leur village, il écrit que "cet attachement au pays me plaît, et je le partage de plus en plus". Dans son livre Miroir de la Chine, Louis Laloy brosse à grands traits l’harmonie que dégage son vieux village de France : "Le ciel factice du vitrage enfumé s'ouvrait jadis sur la riante perspective des bois et des prairies, de la rivière entre ses buissons, des champs héréditaires, maison sévère et tendre comme une aïeule, église avec son cortège de tombes, cantiques des jeunes filles, source très fraîche à l'ombre de l'été"[2].            Cette atmosphère de Rahon, Claude Debussy y fait référence dans quatre lettres, parmi la centaine toujours conservée par la descendance de Louis Laloy. Le 15 octobre 1907, Debussy demande à retrouver Louis Laloy: "Que le charme de Rahon ne vous retienne pas trop, pensez un peu à votre ami  !", implore-t-il ; un an plus tôt, le 10 septembre 1906, il envie Louis Laloy de résider "dans une vieille maison qui vous est une amie d'enfance" ; il parle aussi du village dans ses correspondances des 29 avril et 27 juillet 1909.            

Claude Debussy s’inspira des cloches de Rahon pour composer, en 1907, son morceau pour piano, Cloches à travers les feuilles, après que LL lui eut décrit le touchant usage du glas qui, le jour de la Toussaint, sonne, de village en village, dans le silence du soir           Cet attachement à la maison de famille, Julien Luchaire, son condisciple de l’Ecole normale supérieure, a su le percevoir, avec un brin d'ironie, après qu'il eut brossé un portrait de “ Louis Laloy, aristocrate farouche, qui ne recherchait que l’exceptionnel, le parfait". (…) "Le jour où Laloy me reçut pour la première fois dans son village de Rahon, entre Dole et Poligny, il frémissait d'une joie religieuse, comme le prêtre qui découvre le saint des saints : verrais-je ce que valaient à ses yeux le haut toit de tuiles violettes de la maison de ses parents, et ce pré au bas du petit jardin, dévalant vers un ruisseau incertain entre les saules ? Il me mena toute de suite à travers les labours, jusqu'aux terres incultes, hérissées de bosquets, entre lesquels les eaux claires de la Loue coulent rapides et sans bruit. Il exulta quand il vit que la calme divinité de la plaine m'était apparue".             Cette magnifique formation intellectuelle s'est poursuivie au cours de nombreux séjours en Allemagne, en Angleterre, en Grèce, en Russie et en Extrême-Orient… Mais toujours il resta fidèle à la Comté, où il revient chaque été, fuyant Paris et le "carrefour des Ecrasés", qu'il domine de son bureau de l'Opéra".             Rahon représente une sorte de refuge, à l'écart du monde.             Toutefois Louis Laloy, aime s'isoler, il ne néglige pas ses habitants auxquels, comme ses parents (puis son fils et sa belle-fille), il rend volontiers visite. Il porte invariablement le même costume trois pièces, en velours sombre, et l’été, une espèce de costume colonial blanc, toujours composé de trois pièces. Il demeure proche d'Henri Mutelet, propriétaire du moulin ; il trouve une situation au ministère des Pensions à la belle-sœur de celui-ci, Georgette Dornier, veuve de guerre. Il supervise les représentations théâtrales qu'organisent, à la cure, les jeunes filles bien pensantes.             Sa présence à la mairie, où il est élu en 1935 pour, en raison de la guerre, à peine plus d'un lustre, est honorifique : Rahon est un village de la France rurale, qui n'atteint pas les 400 habitants ; il n'y a pas d'eau courante, deux téléphones seulement, l'électricité remonte au début des années vingt. Le conseil municipal gère les affaires relatives à l'entretien des chemins et fossés, veille aux coupes de bois annuelles et à la répartition de l'affouage, vote un budget des plus modestes, pourvoit au secours des plus démunis. Le village paraît immuable.         

Le 3 février 1943, Louis Laloy décrit à la pianiste Andrée G la campagne endormie par l'hiver : "J'en ai profité pour une promenade, entre 2 et 3 h, vers la grande rivière, par le chemin à travers champs, mais arrêtée où la déclivité commence et d'où j'ai contemplé les peupliers dont quelques-uns jaunissent encore, la maison du pêcheur buvant de son mur blanc les rayons pâles, plus loin la colline dressée sur l'autre territoire, et à gauche, dans un intervalle découvert, la rivière montée, grande plaque brillante, à peu près à l'endroit où nous descendions sur les empierrements qui maintenant sont au fond de l'eau. Tout cela endormi d'un merveilleux silence, comme un monde en attente".  




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